Publications » Suppléments à Gallia » Le complexe funéraire monumental de Lavau
Fruit de la réalisation d’une importante fouille préventive de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) en 2014-2015 et des travaux d’un projet collectif de recherche, ce volume offre un panorama complet des vestiges et du mobilier découverts dans la nécropole du Moutot à Lavau (Aube), située dans la vallée de la Seine.
Fondée à la fin de l’âge du Bronze, réoccupée au cours du premier âge du Fer, elle accueille au tout début du second âge du Fer un immense complexe monumental honorant la mémoire d’un homme de très haut statut.
La longue durée d’utilisation de cet espace funéraire permet l’étude de diverses architectures monumentales, en partie conservées en élévation. La présentation chronologique des vestiges s’accompagne d’un premier regard sur le contexte archéologique régional pour l’âge du Bronze final et le premier âge du Fer. L’ouvrage s’achève par un catalogue complet des sépultures.
Mettant en avant la discontinuité de la fréquentation du site faite de courts moments d’ooccpation alternés avec de longues périodes d’abandon, cette publication révèle la trajectoire exceptionnelle de ce lieu de mémoire ; une résilience expliquée sans doute par une situation privilégiée dans le réseau de voies parcourant la vallée de la Seine. Permise par sa fouille exhaustive, l’étude détaillée du complexe princier et son inscription dans un paysage marqué par de précédents monuments éclairent nombre de découvertes analogues pour lesquelles on ne dispose pas d’une même qualité documentaire. Le site de Lavau se présente ainsi comme un ensemble de référence pour le Bassin parisien et plus largement la France septentrionale. En étudiant dans le détail le contexte d’implantation de la tombe princière, ce premier volume introduit une série monographique qui ambitionne la publication exhaustive de cette sépulture exceptionnelle.
Fouillée sur 2 ha par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) en 2014-2015, en prévision de l’extension d’une zone d’aménagement concerté, la nécropole du Moutot à Lavau est établie dans la vallée de la Seine, en périphérie nord-est de Troyes (Aube). Documentée plus largement par plusieurs autres fouilles et diagnostics menés depuis le début des années 1990, elle s’étend sur près de 8 ha et constitue aujourd’hui un des ensembles funéraires protohistoriques les mieux explorés du département. Sa longue durée d’utilisation permet en outre l’étude de diverses architectures monumentales, pour lesquelles la conservation partielle de certaines élévations constitue un fait rarement observé en Champagne.
Fondée à la fin de l’âge du Bronze, vers le xiie s. av. J.-C. (Hallstatt A1), elle est initiée par l’installation d’un monument associant une palissade rectangulaire à un tumulus en terre – partiellement conservé en élévation –, abritant une tombe à crémation et les restes d’un bûcher funéraire. En-dehors du monument, l’organisation linéaire des onze autres crémations découvertes permet de restituer la présence d’un chemin orienté sud-ouest – nord-est, perpendiculaire à la vallée de la Seine et fréquenté jusqu’au xie s. (Hallstatt A2).
Abandonnée au xe s (Hallstatt B1) et peut-être seulement fréquentée au ixe s (Hallstatt B2/3), la nécropole est réoccupée dans le courant du viie s (Hallstatt C2) avec l’implantation de quatre petits monuments – deux à fossé d’enclos circulaires ouverts, deux à architecture en poteaux plantés – associés à des crémations ou, dans un cas, à une probable inhumation. Cet ensemble est organisé autour d’un cinquième tertre funéraire construit simplement en terre et qui abritait l’inhumation d’un homme porteur d’une longue épée en fer. Une analyse paléogénétique permet de relier cet homme à sa fille, dont l’inhumation proche a été réduite et déplacée plus tard dans l’âge du Fer. L’image d’une nécropole familiale transparaît ainsi, initiée par l’installation de la sépulture masculine autour de laquelle se sont rassemblés – a minima – certains de ses proches et descendants.
À partir de cet ensemble groupé de petits édifices, la nécropole connaît ensuite sa pleine extension spatiale à la fin du viie et dans la première moitié du vie s. (Hallstatt D1). Cette nouvelle phase d’occupation est marquée par de plus grands monuments fossoyés, circulaires et ouverts, dont un exemplaire conservait une partie de l’élévation du tumulus central construit en terre et « mottes de gazon » avec un talus en craie, externe au fossé. Sous ce tumulus, la découverte d’un potentiel fragment de frette de moyeu de roue associé aux restes d’une inhumation suggère la présence possible d’une tombe à char antérieure à celles connues actuellement en Champagne. La fin du premier âge du Fer est marquée par au moins un autre monument palissadé en bois, de plan carré, installé sur le tumulus fondateur de la nécropole et abritant une inhumation.
C’est autour de ce nouvel édifice en bois, environné de plusieurs monuments tumulaires fossilisés, que sera édifié, vers le milieu du ve s. (La Tène A1), un vaste complexe funéraire fossoyé dédié à la sépulture et la mémoire d’un homme de très haut statut. Ses dimensions comme son organisation bipartite en font un ensemble hors normes, qui prend en considération le statut du défunt et son inscription monumentale dans une continuité dynastique, affirmée par la mise en valeur de plusieurs monuments du premier âge du Fer. Dans un espace dédié aux « ancêtres », un énième grand monument en terre, limité par une palissade circulaire, accueille le dépôt des ossements déplacés de la fille du porteur d’épée, placé en position centrale. Ce choix architectural – et symbolique ? – semble tout à la fois suggérer la présence d’un « ancêtre » illustre et participer à la construction symétrique du complexe funéraire princier. Ce potentiel aménagement connexe participerait à la mise en scène d’une forme de revendication lignagère.
Dans le vaste enclos quadrangulaire dédié au prince, la conservation partielle des élévations permet de suivre pour partie le déroulement des funérailles au travers de l’aménagement d’une rampe de craie, fortement damée, reliant la tombe, vaste et semi-excavée, à une porte ou à un portique monumental installé sur le bord nord-ouest de l’enclos. Interprété comme une « plate-forme », ce dispositif est scellé par le tumulus proprement dit, érigé lui aussi en terre et « mottes de gazon ».
Le site ne livre pas de vestiges plus tardifs du second âge du Fer et durant l’Antiquité d’ultimes phases de fréquentations funéraires marquent la fin de l’usage du site.
Dans cet ouvrage, la présentation chronologique des vestiges s’accompagne d’une première remise en contexte pour l’âge du Bronze final et le premier âge du Fer. Celle-ci est soutenue par une riche base de données locales et régionales, établie par l’archéologie préventive, particulièrement dynamique dans la région de Troyes, mais aussi par l’exceptionnel corpus livré par la prospection aérienne.
Cette publication révèle aussi la trajectoire exceptionnelle de ce lieu de mémoire ; une résilience qui s’explique probablement par une situation privilégiée dans le réseau de voies parcourant la vallée de la Seine et qui semble régir dès l’origine l’organisation de la nécropole. La fouille exhaustive, l’étude détaillée du complexe princier et son inscription dans un paysage marqué par le temps long placent le site de Lavau comme un ensemble de référence pour le Bassin parisien et plus largement la France septentrionale.
The Moutot cemetery at Lavau is located in the Seine valley on the north-eastern outskirts of Troyes (Aube). It was excavated over an area of 2 hectares by the Institut national de recherches archéologiques preventives (Inrap) in 2014-2015 as part of an urban development. Others excavations and evaluations carried out since the early 1990s have documented its full extension to almost 8 hectares making it one of the best-explored Late Prehistoric burial sites in the area. Used over a long period, this burial site has provided the opportunity to study a variety of monuments some with preserved elevations, a fact rarely seen in Champagne.
The cemetery was founded at the end of the Bronze Age, during the 12th century BC (Hallstatt A1), by the building of a monument with an earth mound –partially preserved–, under which lay the remains of a cremation and a funerary pyre, surrounded by a rectangular palisade. The linear layout of 11 cremations marks a path running S.W. / N. E., perpendicular to the Seine valley on one side of this monument that was used until the 11th century (Hallstatt A2).
Abandoned in the 10th century (Hallstatt B1) and perhaps only rarely visited during the 9th century (Hallstatt B2/3), the cemetery was again in use during the 7th century (Hallstatt C2). This phase sees the construction of four small monuments – two with open circular ditches, two outlined by postholes –with a group of cremations– and one probable inhumation. This group is located around a fifth mound that housed the burial of a man carrying a long iron sword. Palaeogenetic analysis links this man to a daughter, whose nearby burial was reduced in size and moved during the Iron Age. The image of a family cemetery thus emerges, with a central male burial around which –at the very least– some of his relatives and descendants were buried.
From this group of small monuments, the necropolis underwent a full spatial expansion in the late 7th and first half of the 6th century (Hallstatt D1). This new phase was marked by the building of larger open circular ditched monuments, one with a partly preserved central tumulus, built of earth and ‘sods’ and a chalk bank outside the ditch. Beneath this burial mound, the discovery of a probable fragment of a wheel hub fret and the remains of a burial suggested that this was a chariot grave predating those currently known in Champagne. The end of the Early Iron Age is marked by at least one other square palisaded monument containing a burial built on top of the oldest mound of the cemetery.
It was around this new wooden building, surrounded by several monuments, that one vast funerary complex was built around the middle of the 5th century (La Tène A1). It housed the burial of and commemorated a man of very high status. It is unusual by its size and its bipartite plan that represents the individual’s status and his prominent place in this dynastic funerary space that highlights several Early Iron Age monuments. This part of the complex dedicated to the ‘ancestors’ contains a large mound bordered by a circular palisade that houses at its centre the remains of the daughter of the sword-bearer. This architectural (and symbolic?) choice completes the symmetrical plan of the princely burial complex and suggests the presence of an illustrious ‘ancestor’ as part of the staging of the prince’s lineage.
In the vast quadrangular enclosure dedicated to the prince, the partial preservation of the elevations makes it possible to follow part of the funerary process through the construction of a heavily packed chalk ramp that links the large, semi-excavated tomb to a monumental gate or portico installed on the north-western edge of the enclosure. Interpreted as a ‘platform’, this device is sealed off by the tumulus itself, also built of earth and ‘sods’.
The site contains no other Late Iron Age features and the final burial phases of the site date to the Roman period.
T-In this book, this chronological presentation of the site starting with the Late Bronze Age and Early Iron Age is enhanced by a comprehensive local and regional database built from the many preventive archaeological interventions carried out around Troyes, as well as by the large corpus of data from aerial prospection.
This book tells also the story of this amazing place of memory, used and reused over the centuries because of its prominent position at the centre of a network of roads running through the Seine valley that seems to have had a direct influence on the cemetery’s layout from the outset. The comprehensive excavation and study of the princely complex and its place in a landscape marked by the passage of time make Lavau a key reference point for the Paris Basin and, more broadly, northern France.
Translation: Rebecca Peake (Inrap)
Das Gräberfeld von Moutot in Lavau befindet sich im Seine-Tal am nordöstlichen Stadtrand von Troyes (Aube). Er wurde 2014-2015 von Inrap auf einer Fläche von 2 Hektar im Rahmen einer Stadtentwicklung ausgegraben. Die seit Anfang der 1990er Jahre durchgeführten Ausgrabungen und Auswertungen haben seine volle Ausdehnung auf fast 8 Hektar dokumentiert, was es zu einem der am besten erforschten spätprähistorischen Gräberfelder in der Region macht. Die über einen langen Zeitraum hinweg genutzte Grabstätte bot die Möglichkeit, eine Vielzahl von Monumenten zu untersuchen, von denen einige noch in der Höhe erhalten sind, was in der Champagne nur selten der Fall ist.
Das Gräberfeld wurde am Ende der Bronzezeit, im 12. Jahrhundert v. Chr. (Hallstatt A), durch den Bau eines Monuments mit einem Erdhügel (teilweise erhalten) angelegt, unter dem die Überreste eines Krematoriums und eines Scheiterhaufens lagen, umgeben von einer rechteckigen Palisade. Die lineare Anordnung von 11 Krematorien markiert einen Weg, der in südwestlicher/nordöstlicher Richtung senkrecht zum Seine-Tal auf einer Seite dieses Monuments verläuft und bis zum 11. Jahrhundert genutzt wurde (Hallstatt A2).
Im 10. Jahrhundert verlassen (Hallstatt B1) und im 9. Jahrhundert vielleicht nur selten besucht (Hallstatt B2/3), wurde der Friedhof im 7. Jahrhundert wieder genutzt (Hallstatt C2). Jh. (Hallstatt C2). In dieser Phase wurden vier kleine Monumente (zwei mit offenen kreisförmigen Gräben, zwei mit Pfostenlöchern) mit einer Gruppe von Brandbestattungen (und einer wahrscheinlichen Inhumation) um einen fünften Hügel herum errichtet, in dem ein Mann mit einem langen Eisenschwert bestattet wurde. Die paläogenetische Analyse bringt diesen Mann mit einer Tochter in Verbindung, deren Grab in der Nähe in der Eisenzeit verkleinert und verlegt wurde. So entsteht das Bild eines Familienfriedhofs mit einem zentralen Männergrab, um das herum (zumindest) einige seiner Verwandten und Nachkommen bestattet wurden.
Ausgehend von dieser Gruppe von Kleindenkmälern erfuhr die Nekropole im späten 7. und in der ersten Hälfte des 6. Jahrhunderts eine umfassende räumliche Erweiterung (Hallstatt D1). Jahrhunderts (Hallstatt D1). Diese neue Phase war gekennzeichnet durch die Anlage größerer offener kreisförmiger Grabenmonumente, von denen eines mit einem teilweise erhaltenen zentralen Grabhügel aus Erde und „Soden“ und einer Kreidebank außerhalb des Grabens ausgestattet war. Unter dem Grabhügel wurden ein wahrscheinliches Fragment einer Radnabe und die Überreste einer Bestattung gefunden, was darauf hindeutet, dass es sich um ein Wagengrab handelt, das älter ist als die heute bekannten Gräber in der Champagne. Das Ende der frühen Eisenzeit wird durch mindestens ein quadratisches Palisadenmonument markiert, das eine Bestattung enthält, die auf dem ältesten Hügel des Friedhofs errichtet wurde.
Um dieses neue Holzgebäude herum, das von mehreren Monumenten umgeben war, wurde um die Mitte des 5. Jahrhunderts der große Grabkomplex errichtet (La Tène A1). Sie beherbergte die Bestattung und das Andenken an einen Mann von sehr hohem Rang. Die Größe der Anlage und ihr zweigeteilter Grundriss, der den Status des Mannes und seine herausragende Stellung in diesem dynastischen Grabkomplex widerspiegelt, der mehrere Monumente aus der frühen Eisenzeit hervorhebt, sind außergewöhnlich. Dieser Teil des Komplexes, der den „Ahnen“ gewidmet ist, enthält einen großen Hügel, der von einer kreisförmigen Palisade umgeben ist und in dessen Zentrum die Überreste der Tochter des Schwertträgers liegen. Diese architektonische (und symbolische?) Wahl vervollständigt den symmetrischen Grundriss des fürstlichen Grabkomplexes und deutet auf die Anwesenheit eines illustren „Vorfahren“ als Teil der Inszenierung der Abstammung des Fürsten hin.
In der ausgedehnten viereckigen Anlage, die dem Fürsten gewidmet ist, ermöglicht es die teilweise Erhaltung der Erhebungen, einen Teil des Bestattungsprozesses durch den Bau einer stark verdichteten Kalkrampe zu verfolgen, die das große, halb ausgegrabene Grab mit einem monumentalen Tor oder einer Säulenhalle am nordwestlichen Rand der Anlage verbindet. Diese als „Plattform“ gedeutete Vorrichtung ist durch den ebenfalls aus Erde und „Soden“ errichteten Grabhügel selbst verschlossen.
Die Stätte enthält keine weiteren späteisenzeitlichen Befunde, und die letzten Bestattungsphasen der Stätte stammen aus der Römerzeit.
Diese chronologische Darstellung der Stätte, die mit der späten Bronzezeit und der frühen Eisenzeit beginnt, wird durch eine umfassende lokale und regionale Datenbank ergänzt, die aus den zahlreichen präventiven archäologischen Eingriffen in der Umgebung von Troyes sowie aus dem umfangreichen Datenkorpus der Luftprospektion stammt.
Dieses Buch erzählt die Geschichte dieses erstaunlichen Erinnerungsortes, der im Laufe der Jahrhunderte aufgrund seiner herausragenden Lage im Zentrum eines Straßennetzes, das sich durch das Seine-Tal zog, genutzt und wiederverwendet wurde, was offenbar von Anfang an einen direkten Einfluss auf die Gestaltung des Friedhofs hatte. Die umfassende Ausgrabung und Untersuchung des fürstlichen Komplexes und seine Einbettung in eine vom Lauf der Zeit geprägte Landschaft machen Lavau zu einem wichtigen Bezugspunkt für das Pariser Becken und im weiteren Sinne für Nordfrankreich.
Übersetzung: Karoline Mazurié
Bastien Dubuis est protohistorien, archéologue à l’Inrap, chercheur membre du laboratoire Artehis (UMR 6298, université de Bourgogne, CNRS). Il a dirigé à partir de 2011 plusieurs fouilles préventives d’habitats de l’âge du Fer en région Centre et en Champagne, avant d’assurer la fouille du complexe funéraire de Lavau, puis la réouverture de la tombe princière de Vix en 2019.
Avec Anne Ahü-Delor, Florie-Anne Auxerre-Géron, Alessio Bandelli, Sylvie Coubray, Valérie Delattre, Benoît Filipiak, Hélène Froquet-Uzel, Aurore Louis, Émilie Millet, Alexandre Monnier, Théophane Nicolas, Cécile Paresys, Rebecca Peake, Vincent Riquier, Marion Saurel, Céline Villenave, de l’Inrap ; Céline Bon, Sophie Lafosse, du MNHN ; Nicolas Garnier, du Laboratoire Nicolas-Garnier ; Fabienne Médard, d’Anatex ; Claude Mordant, de l’université de Bourgogne ; avec la collaboration de Carole Acquaviva, Renaud Bernadet, François Gauchet, Stéphane Izri, Elsa Lambert, Arnaud Lefebvre, Pierre Nouvel et Ingrid Turé.